J’ai perdu 10 ans de ma vie équestre…

Comme je l’ai raconté dans l’épisode pilote du Projet Evolution, ce Projet est né de ma frustration, pendant 10 ans, de ne pas trouver comment prendre le temps de m’occuper autant que je le voulais de mon cheval, de construire la relation à laquelle je rêvais, mais aussi des moments où j’estimais ne pas avoir été à la hauteur de mon cheval car j’étais dans un état de stress et de fatigue très avancés.

Et pendant de nombreuses années, j’ai vécu avec un mélange de culpabilité de ne pas m’occuper de mon cheval comme je le voulais et d’avoir eu des réactions envers lui que je trouvais injustes.

A chaque nouvelle séance, j’emmenais avec moi cette culpabilité qui me paralysait, ainsi que la peur de ne pas être à la hauteur de ce que j’exigeais de moi-même.

C’est l’histoire dans laquelle j’étais prisonnier, et qui me condamnait à être piégé dans ce cycle dont je ne parvenais pas à me libérer.

L’idée du Projet Evolution est née de ma volonté d’avancer et de me libérer de ce cycle infernal.

Et quand j’ai commencé à voyager avec Topkapi, à passer enfin mes journées avec lui, à progresser aussi bien en tant que cavalier que dans ma relation avec lui, quand j’ai trouvé cette sérénité à laquelle je rêvais, j’aurais pu raconter une autre histoire, tout aussi limitante.

J’aurais en effet pu me raconter que j’avais perdu 10 ans, que ces années durant lesquelles j’aurais pu profiter de mon cheval, me sentir bien et épanoui, avaient été gâchées.

Et pour être honnête, pendant quelques mois, cette histoire s’est progressivement construite dans mon esprit.

Juste avant le début du Projet, mais aussi durant le tournage des premiers épisodes, à chaque belle séance avec Topkapi je ressentais au fond de moi un peu de tristesse de ne pas avoir fait cette démarche plus tôt.

Je ressentais aussi beaucoup de peur de retomber dans ces frustrations alors que s’ouvrait devant moi une telle opportunité de progresser et d’évoluer.

Lorsque je m’en suis rendu compte, j’ai pris la décision de réécrire cette histoire, sans modifier les faits, mais en cherchant à la regarder sous tous les angles, pas seulement celui avec lequel j’avais pris l’habitude de regarder mon passé.

J’ai alors réalisé que je pouvais aussi voir la frustration et la culpabilité que j’avais ressenties aussi fort durant ces 10 années comme ce qui m’avait donné l’énergie et la force de me lancer dans ce projet titanesque.

Elles m’avaient fait me sentir tellement mal que j’avais puisé une motivation extrême dans ces frustrations, justement pour m’en libérer.

Aussi dures qu’aient été ces années, dans la nouvelle version de cette même histoire, je ne les vois plus comme un gâchis.

Je les vois comme une chance, elles m’ont poussé et permis aujourd’hui de vivre une aventure incroyable et d’avoir développé avec mon cheval une relation à laquelle je n’aurais pas osé rêver tant elle est belle, vraie et forte.

Je n’ai pas changé les faits, je ne me suis pas menti, j’ai juste choisi une version portante de cette même histoire.

Est-ce que j’ai “plus raison” en racontant mon histoire de cette manière ou en racontant l’ancienne version de 10 années gâchées?

Je pense qu’il est important de comprendre qu’aucune des deux n’est plus vraie que l’autre.

Je pourrais raconter les deux histoires et avoir raison.

J’ai donc la possibilité d’être vrai et honnête et en même temps de choisir laquelle des deux versions je raconte.

Et j’ai choisi celle qui me porte plutôt que celle qui me limite.

Pierre.

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